La situation humanitaire à Gaza ne s'améliore pas, alors que plus de la moitié des hôpitaux sont hors d'usage et que la famine pourrait emporter plusieurs milliers de Gazaouites.
La situation humanitaire dans la bande de Gaza, loin de s'améliorer, traverse une nouvelle crise. "Neuf pays ont décidé de suspendre leur aide à l'agence des nations Unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). Cette décision met en péril l'aide que nous apportons en Palestine y compris dans la bande de Gaza", a déclaré l'Unrwa, l'agence qui vient en aide à quelque 2 millions de Palestiniens. À l'origine de cette décision politique, la révélation, par Israël que des personnels de cette agence onusienne auraient été impliqués dans l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre dernier. "Il est choquant de constater que les fonds de l'agence sont suspendus et ce en réaction à des allégations concernant un petit nombre d'employés de notre agence qui ont été immédiatement licenciés, alors qu'une enquête transparente est actuellement menée par nos services sur ces accusations."
1 million de Palestiniens menacés de famine
Nul doute que cette décision politique devrait aggraver la crise humanitaire en cours dans la bande de Gaza, depuis que la guerre a repris entre Israël et le Hamas depuis début octobre. Actuellement selon l'Unrwa, quelque 1 million de Palestiniens sont menacés par la famine. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans un communiqué du 21 décembre dernier, "la faim fait des ravages à Gaza et devrait favoriser la propagation des maladies dans toute la bande de Gaza, en particulier chez les enfants, les femmes enceintes et allaitantes et les personnes âgées". Et d'ajouter : "Les taux de maladies infectieuses montent déjà en flèche à Gaza. Plus de 100 000 cas de maladies diarrhéiques ont été signalés depuis la mi-octobre. La moitié d’entre eux concernent de jeunes enfants de moins de cinq ans, soit 25 fois plus qu’avant le conflit. Plus de 150 000 cas d’infection des voies respiratoires supérieures et de nombreux cas de méningite, d’éruptions cutanées, de gale, d’infestation par les poux et de varicelle ont été notifiés. Des cas d’hépatite sont également suspectés car de nombreuses personnes présentent des signes évidents d’ictère."
Israël entrave les convois humanitaires
Dans une résolution datant du 15 janvier dernier, l'union Européenne abonde dans le même sens. Rappelant que depuis l'attaque du 7 octobre, quelque 23 000 Palestiniens ont été tués, 60 000 blessés et deux millions déplacés, l'UE établit que "100% de la population de Gaza a souffert d'une insécurité alimentaire, 50% ont été confrontés à un manque de nourriture, et 26% souffrent de famine". Face à cet état de fait, dans un nouveau communiqué du 16 janvier dernier, les nations Unies déplorent le fait qu'Israël continue d'entraver les convois humanitaires provenant du nord de Gaza. "Dans les deux premières semaines de janvier, seulement 24% de nos missions humanitaires ont réussi à livrer de la nourriture, des médicaments, de l'eau et d'autres biens de première nécessité dans le nord de Gaza", établit l'Onu. La situation n'est guère plus reluisante dans le sud de Gaza : "De nombreuses familles n'ont pas mangé depuis plusieurs jours", selon Olga Cherevko, une employée de l'Onu. Selon l'office de coordination pour l'aide humanitaire (OCHA), "la plupart des refus israéliens concerne du fuel, des médicaments, de l'eau et des équipements de santé pour les hôpitaux du nord de Gaza. Ces carences mettent en péril le fonctionnement de six hôpitaux".
Cessez-le-feu demandé
Parallèlement, du fait des bombardements incessants, l'établissement de santé Nasser dans le sud de la ville de Khan Younis "continue de recevoir de nombreuses personnes blessées et brulées." L'hôpital accueille actuellement 700 patients, soit le double de ses capacités d'accueil. Selon le secrétaire général de l'Onu Antonio Gutteres, seul un cessez-le-feu permettrait d'acheminer plus d'aide et de prendre en charge les blessés Gazaouites.
À la situation humanitaire catastrophique s'ajoute la destruction partielle des infrastructures palestiniennes. Ainsi, 22% des exploitations agricoles du nord Gaza ont été rasés par les forces israéliennes, et 70% de la flotte de pêche a été détruite. Plus de 60% des maisons palestiniennes ont été endommagées, ce qui affecte directement la possibilité de pouvoir cuisiner et se nourrir.
Missions de MSF et de l’OMS
Médecins sans frontières (MSF), dans un communiqué du 19 janvier dernier, établit que dans "toute la moitié nord de Gaza, les hôpitaux ne sont quasiment ou plus du tout fonctionnels. Dans la partie sud de Gaza, au 11 janvier 2023, il restait neuf structures de santé fonctionnelles, dont deux importants hôpitaux généralistes, situés à Khan Younis, une ville particulièrement touchée par les bombardements et les combats terrestres : l'hôpital Nasser dans le centre et l’hôpital européen de Gaza, un peu plus excentré". Malgré tout, MSF poursuit ses activités à l'hôpital indonésien, en ouvrant une "clinique de soins de traumatologie et de prise en charge des victimes de brûlures". Les patients pris en charge dans la grande majorité des cas "ont été victimes d'un bombardement, de l'effondrement d'un immeuble ou du souffle de l'explosion". L'Organisation mondiale de la santé organise également des missions à haut risque, comme en témoigne un communiqué du 24 janvier : "L’OMS et ses partenaires ont mené lundi une nouvelle mission à haut risque pour réapprovisionner en carburant l’hôpital Al-Shifa, au nord de Gaza, où des centaines de milliers de personnes sont toujours privées d’aide. À l’hôpital Al-Shifa, la mission a constaté que le fonctionnement de la structure s’était amélioré depuis sa dernière visite il y a dix jours. Une forte diminution du nombre de personnes déplacées, qui est passé de 40 000 à 10 000, a été observée." L'OMS a également constaté que 7 des 24 hôpitaux que compte le nord de Gaza restent ouverts, et 7 des 12 hôpitaux du sud de Gaza accueillent encore des patients. "L’OMS est vivement préoccupée par les informations faisant état d’incursions militaires à l’hôpital Al-Kheir, un petit établissement d’une trentaine de lits géré par une ONG, et de la détention de plusieurs de ses soignants. Aucune communication avec l’hôpital n’est plus possible", ajoute l'organisation.
L’appel de la SFSF
Dans ce contexte dramatique, la société française de santé publique (SFSP), dérogeant à son champ d'action stricto sensu, a lancé un appel pour "libérer sans condition tous les otages détenus à Gaza depuis le 7 octobre ; protéger les populations civiles de l’impact des opérations militaires ; protéger les structures et professionnels de santé ainsi que les acteurs humanitaires ; permettre l'acheminement des secours à la hauteur des besoins des populations."