La Cour des comptes a publié récemment une note pour se désoler de la gabégie qui règne dans le financement des soins de ville. L'UFMLS et Convergence infirmière lui crachent à la gueule.
Comme pour souhaiter de bonnes vacances aux professionnels de santé, la Cour des comptes vient de pondre une note thématique qui glace d'effroi médecins et infirmiers libéraux. Intitulée "Accélérer la réorganisation des soins de ville pour en garantir la qualité et maitriser la dépense", cette note se fixe pour objectif de dégraisser le système de santé libéral pour qu'il retrouve un summer body durant cette saison estivale.
Déterminé à venir à bout des derniers bourrelets de graisse des soins de ville, les sages de la rue Cambon tirent à vue sur les professionnels de santé libéraux. Ainsi, la cour des comptes constate que, contrairement aux établissements de santé, "les soins délivrés par les professionnels de santé libéraux ne sont pas soumis à une régulation prix-volume, à l’exception de la biologie". Résultat, en 2022, le budgets "soins de ville" a dépassé de 5,1 milliards d'euros le prévisionnel. Pas bien !! Pire : ces dépassements budgétaires seraient dus à des augmentations de rémunération des professionnels de santé, et non à des hausses d'activité ! Rohhhh !! Cet argent magique saupoudré au-dessus des infirmiers libéraux, médecins libéraux, sage-femmes, kinés et tutti quanti serait généré grâce à des "mécanismes conventionnels peu responsabilisants". Ces accords conventionnels ont par exemple montré "de nombreuses limites en matière de maitrise des rémunérations notamment des médecins". "Ainsi, l’enveloppe de dépenses d’assurance maladie relative aux revalorisations des tarifs de soins de ville qui avait été définie pour la période 2019-2022, a été dépassée dès la première année", se désolent les conseillers maitres de la Cour des comptes.
Droite et uppercut dans la face des médecins et des infirmiers
Les médecins ne sont pas les seuls à se prendre les uppercuts des rapporteurs en pleine face, les infirmiers ont aussi droit à leur droite dans le plexus : "C’est ainsi que les sommes allouées au bilan de soins infirmiers ont été portées à 217 M€ contre 122 M€ annuels initialement prévus deux ans plus tôt." Pourtant, regrette la Cour des comptes, l'assurance maladie pourrait utiliser des outils pour maitriser la dépense, comme la suspension de l'entrée en vigueur d'une convention, ou la fixation unilatérale des montants des forfaits techniques. En gros, les hauts fonctionnaires de la rue Cambon accusent les hauts fonctionnaires de l'assurance maladie de ne pas avoir de couilles. La Cour des comptes en profite également pour brocarder l'inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire : "Les 10 % de la population les moins bien dotés ont un accès aux médecins généralistes 3,7 fois plus faible que les 10 % de la population les mieux dotés. Ce rapport a augmenté de 8 %. entre 2019 et 2021. Les inégalités de répartition des sages-femmes, infirmières, masseurs kinésithérapeutes sont plus importantes encore que celles des médecins généralistes. L’écart entre l’accessibilité des 10 % de la population les mieux et les moins bien dotés est de 5,4 pour les sages-femmes, 6,1 pour les infirmières et 6,7 pour les masseurs-kinésithérapeutes".
Répartition inégalitaire
Au passage, cela remet en cause la régulation à l'installation lorsque l'on sait que les infirmiers qui y sont soumis sont plus inégalement répartis que les médecins, qui n'y sont pas soumis... Cette "répartition inégalitaire de l’offre sur les territoires engendre des coûts induits. La Cour avait estimé, en 2017, de 0,9 Md€ à 3,2 Md€ l’enjeu d’efficience lié à une offre de soins plus homogène". La forte concentration d'infirmiers sur un territoire engendre des couts supplémentaires, mais aussi chasse du territoire les SSIAD, beaucoup plus abordables financièrement parlant. Côté médecins, ce sont les dépassements d'honoraires qui deviennent des barrières infranchissables à l'accès aux soins. "Plus d’un médecin spécialiste sur deux pratique des dépassements d’honoraires pour un montant global toujours plus élevé (3,5 Md€ en 2021). Les dépassements ont représenté 17 % des honoraires en 2021", explique la Cour des comptes. Cerise sur le gâteau : la Cour des comptes constate aussi que les médecins fuient de plus en plus la permanence des soins ambulatoires. De là à les traiter de fainéants, il n'y a qu'un pas à faire... Inutile de dire que cette note a été plutôt mal accueillie par les principaux concernés. Le syndicat d'infirmières libérales Convergence infirmière regrette que la profession qu'il représente soit jeté en pâture à la vindicte populaire : "Évidemment, les proies faciles, les coupables idéaux que sont les infirmières et les infirmiers libéraux sont encore une fois jetés aux orties. Des milliards assenés, des leçons de morale dispensées, des solutions comptables prodiguées : ce sont de nouvelles pelletées de terre jetées sur la tête des IDEL. Nous coûtons trop cher, les patients coûtent trop cher, la santé coûte trop cher."
L'UFMLS attaque Moscovici... Et Cahuzac
L'UFML-S est encore plus cash, n'hésitant pas à salir au passage le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici : "La Cour des comptes ce machin où quelques protégés grassement rémunérés pérorent en manteau d’hermine, le cul dans le velours, les pieds dans la moquette épaisse, et pondent des rapports au km pour justifier leurs émoluments, vient de sortir neufs fiches thématiques pour 60 milliards d’économies…pour ce faire, ils ciblent les médecins libéraux (c’est sûr, il y en a trop, dégoûtons les un peu plus). Alors tant qu’à s’adresser à cette cour de précieuses ridicules, ciblons celui qui les dirige, Pierre-26300 euros de retraites cumulées- Moscovici… (Oui chez ces gens-là, les économies, c’est pour les autres…) Pierre Moscovici a été proche, très proche, trop proche ? d’un médecin… Jérôme Cahuzac. Est-ce son expérience d’hier qui construit son raisonnement d’aujourd’hui?" Le dialogue entre les pouvoirs publics et les corps intermédiaires vire une fois de plus à la foire d'empoigne.