Pour juguler la croissance des indemnités journalières, l'assurance maladie compte rendre visite à quelque 7000 médecins généralistes. La Fédération des médecins de France (FMF) publie un mémo pour recevoir comme il se doit les émissaires de Thomas Fatôme.
Comme pour trouver une solution aux déficits abyssaux de l'assurance maladie, et éventuellement sauver sa place, le directeur général de l'assurance maladie Thomas Fatôme a organisé une conférence de presse ce 9 septembre pour étaler la "dynamique des indemnités journalières". Les chiffres d'abord : les dépenses d'indemnités journalières sont passées de 12,4 milliards en 2019 à 15,8 milliards en 2023, tandis que la part de ces IJ dans l'Ondam Soins de ville passait de 12,5% en 2015 à 15,10% en 2023. Si l'inflation et les facteurs démographique (augmentation démographique, vieillissement...) explique 58% de cette évolution, reste 42% consécutifs à ce que l'assurance maladie nomme avec pudeur "l'effet taux de recours et durée". En clair : les assurés ont pris goût aux arrêts de travail et en consomment de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps. C'est là que se concentrent les réserves d'économie, et l'assurance maladie se promet de tailler dans le gras de ces 42 % !! En 2023, rappelle l'assurance maladie, elle a mené la bataille contre ces laps de temps non dévolus à la production, en plaçant sous tutelle des centaines de médecins coupables d'avoir trop prescrits d'arrêts de travail, grave aux mises sous accord préalable (MSAP) ou mises sous objectif (MSO), ce qui lui a rapporté 150 millions d'euros. Elle a également fliqué les assurés en arrêt, et elle a pu récupérer 40 millions d'euros en écourtant les IJ de ces feignasses. Cette année l'assurance maladie se la joue soft power. Ainsi, il n'est plus question de lourdes procédures administratives et de sanctions, mais de visites "confraternelles" entre médecins gros prescripteurs d'IJ et médecins de la sécu : 7000 médecins généralistes pourraient ainsi recevoir la visite d'un émissaire de Thomas Fatôme. Si l'assurance maladie n'use pas de méthodes plus coercitives cette année (mais ça pourrait changer), c'est très certainement parce que la Cour des comptes a clairement expliqué dans un récent rapport, que l'augmentation des IJ n'était pas le fait de médecins indélicats ou d'assurés paresseux, mais était due à l'augmentation des salaires, de la population active, et par la pandémie de Covid 19...
Entretiens pas obligatoires
Pour préparer ces visites de courtoisie, la Fédération des médecins de France (FMF) a préparé un mémo à l'intention des MG. Ces entretiens confraternels, informe la FMF, ne sont pas "obligatoires", mais "il est conseillé de les accepter". Puis la FMF balance quelques éléments de langage que les médecins visités seraient bien inspirés de recracher aux médecins de la sécu. Il serait bon de rappeler que :
"L’imagerie et le second recours dont les délais obligent souvent le MG à prolonger des arrêts dans l’attente d’un RDV,
Les CPAM qui ne contrôlent pas systématiquement (faute d’effectifs) et suffisamment tôt, et de ce fait ne consolident pas, ne placent pas en invalidité …
La médecine du travail qui ne place pas en inaptitude au poste les patients qui manifestement ne le réintègreront pas (cas de harcèlement par exemple)
Les urgences, la chirurgie, la psychiatrie… qui se reposent sur les MG pour des arrêts et prolongations relevant de leur activité !"
Bien sur, il faut aussi évoquer "avec le médecin conseil les typologies d’exercice ou de patientèle influençant négativement le taux d’IJ comparé à la moyenne régionale (par exemple une importante participation à la PDSA [Permanence Des Soins Ambulatoires] ou un faible taux de patients bénéficiant de la C2S pénalisent le médecin en matière d’IJ)".