Interview de Dominique Hunault, président de la chambre nationale des services d'ambulance (CNSA), à propos de la signature d'un nouvel avenant à la convention nationale des ambulanciers.
Que s'est-il passé depuis les manifestations de 2019 et les grèves de 2022 ?
Dominique Hunault : Nous avons réalisé un gros travail de discussion et de dialogue avec l'assurance maladie et le ministère de la santé, en vue de la reconnaissance de notre profession. En réalité, le dialogue entre les pouvoirs publics et nous-mêmes est devenu plus constructif, dès lors que nous avons commencé à travailler sur l'urgence pré-hospitalière. Cette réforme est rentrée en application en juillet 2022 mais nous avons commencé à travailler là-dessus en 2019-2020. À l'époque, les ambulanciers n'étaient pas organisés pour les missions urgentes, notamment à la demande du centre 15, et les pompiers qui intervenaient ne se sentaient pas à leur place. Nous avons alors effectué un travail important avec l'assurance maladie dans un premier temps, puis la DGOS et le ministère de la Santé, pour aboutir à cette réforme en application depuis juillet 2022.
Quels sont les principaux points de cette réforme ?
Dominique Hunault : C'est une réponse H24 des ambulanciers privés pour les urgences pré-hospitalières, à la demande du Samu centre 15. Avant cet accord, nous répondions la nuit et les dimanche mais pas en journée, désormais nous pouvons intervenir H24 et en plus cela fonctionne !! Les carences ambulancières ont diminué de façon considérable si bien que les déplacements de pompiers ont diminué d'autant.
Donc les revenus des ambulanciers se sont améliorés ?
Dominique Hunault : Ce sont des revenus complémentaires pour les ambulanciers, mais cela représente aussi une baisse des coûts pour l'assurance maladie, puisque nous coutons moins cher que les pompiers.
Quand avez-vous commencé à négocier cet avenant avec l'assurance maladie signé dernièrement ?
Dominique Hunault : Cet avenant nous confère une enveloppe de 340 millions d'euros, étalée dans le temps, de novembre 2023 jusqu'en janvier 2025. En complément de cela deux enveloppes FIR nous ont été octroyées, l'une de 180 millions d'euros pour juin 2023, l'autre de 80 millions en janvier 2024.
Quelles sont les principales mesures de cet avenant ?
Dominique Hunault : Les revalorisations prises interviennent aussi bien sur les forfaits de prise en charge que sur les kilomètres. Le but était de ne laisser personne sur le bas côté, notamment les nouveaux ambulanciers, qui eux sont plus consommateurs de kilomètres. On nous accorde aussi deux aides, dont l'une pour le matériel, et une autre aide pour l'incitation à l'acquisition de véhicule électrique, d'environ 1000 euros.
Et les deux enveloppes FIR vont servir à quoi ?
Dominique Hunault : Ces deux enveloppes FIR servent à faire le joint, car lorsque l'on signe un accord avec l'assurance maladie, il faut compter un laps de temps de six à huit mois avant l'application. Les FIR vont nous aider à continuer d'être financés sur toute la première partie de l'année 2023. Je tiens à dire que nous nous sommes engagés sur des mesures qui vont permettre à l'assurance maladie de faire des économies, notamment grâce au transport partagé, couché ou assis. Ainsi elle peut financer les revalorisations qu'elle nous a accordées.
Quelles sont les négociations à venir ?
Dominique Hunault : deux sujets n'ont pas été abordés, l'urgence post hospitalière, et les prises en charge bariatriques, nous n'avons pas beaucoup avancé sur ce dernier dossier.
On a l'impression que des acteurs de santé autrefois négligés, comme les ambulanciers ou les agents de régulation médicale, accaparent maintenant toute l'attention de l'assurance maladie...
Dominique Hunault : Je pense que l'assurance maladie s'est rendu compte de l'importance du transport sanitaire dans la chaine de soins, surtout depuis la réforme de l'urgence pré-hospitalière. L'assurance maladie s'est rendu compte que nous étions capable de nous adapter rapidement. La mission flash lancée par François Braun a accentué la confiance que les pouvoirs publics avaient en nous. Dans un contexte d'embolisation des services d'urgence, les ambulanciers sont une réponse au moins partielle à cette crise. Nous sommes tout à fait en capacité d'amener un bilan secouriste ou de la télémédecine auprès des patients même dans les endroits les plus reculés. Nous sommes capables de fluidifier l'accès au service de soins. Maintenant le rôle de l'ambulancier est de servir de lien entre des patients et des soignants, et plus simplement de transporter des malades.
Qu'en est-il de votre démographie professionnelle ?
Dominique Hunault : C'est vrai que notre démographie professionnelle n'est pas simple, sachant que nos ambulanciers sont payés au smic. Nous travaillons sur le sujet et nous avons mis en ligne un site qui présente notre profession, ambulancierpourlavie.fr. Il est à destination du grand public. Nous créons aussi des formations pour les jeunes de 17 à 18 ans, qui inclura un permis de conduire, et leur permettra d'accéder au métier d'ambulancier. Ce serait un bac pro ambulancier. Grâce à des VAE et des passerelles, ils pourraient aussi se diriger vers d'autres métiers de la santé. Le métier d'ambulancier servirait de porte d'entrée vers les métiers de la santé.