La proposition de loi Rist a été amendée et adoptée par le Sénat à la mi-février et devrait repasser en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Cette PPL prévoit entre autres d'accorder une primo-prescription aux infirmiers de pratique avancée dans les structures d'exercice coordonné. Ce qui a le don de révulser les médecins. Nous avons demandé son avis au Dr Arnaud Chiche, président du Collectif santé en danger, opposé à cette loi, mais responsable d'un collectif où les auxiliaires médicaux favorables à ce texte législatif sont nombreux...
Mélanie Philips. Qu’est-ce qui vous déplait dans cette loi Rist?
Arnaud Chiche. Tout d’abord, la loi Rist est un fourre-tout bordélique qui a comme conséquence de casser toute harmonie des professions entre elles. Au mois d’avril, il y aura la baisse de tarification de l’intérim médicale, et c’est extrêmement dangereux pour l’accès aux soins. Ça va pénaliser les établissements publics qui ont un grand recours à l'intérim médical, et je suis effrayé pour les urgences, le SMUR, le bloc opératoire, les maternités, etc.
Catastrophe en vue ⚠️⚠️⚠️⤵️#Help
Pas un mot en ce moment sur l’application prochaine de la loi Rist et son article article 33 @stephanie_rist
« Encadrement des rémunérations des intérimaires sans filet »↪️Cela va entraîner l’arrêt Technique de nombreux hôpitaux.
1/4 pic.twitter.com/4zmeTdYNNy— Collectif Santé en Danger (@sedatif) March 1, 2023
Le deuxième point, c’est que la loi Rist veut donner énormément de prérogatives aux infirmiers en pratique avancée en ville, pour soi-disant suppléer les médecins généralistes qui sont en nombre insuffisant. Mais le théorème, il est complètement tordu. On ne peut pas faire face à un manque de médecins, en donnant plus de responsabilités à des IPA. Ça n'a aucun sens, ce n'est pas le même métier. À un moment donné, la décision médicale, elle, ne peut pas être bradée. Il n’y a de gestes simples, de motifs de consultation simples qui ne sont pas obligés d'être traités par des médecins. C’est même parfois dans les motifs les plus simples qu'on découvre des maladies graves ou des phénomènes de souffrance.
M.P. Comment ça se passe au sein du collectif Santé en danger, quand on sait que certains syndicats paramédicaux voudraient que la loi aille encore plus loin ?
A.C. C'est très compliqué et c'est un exercice de style difficile. On se veut être collectif pluri professionnel avec des médecins et des paramédicaux. Je vous dis pas comme ça a été agité. Mais on a communiqué pour expliquer que tout le monde avait une place, mais qu’il était malhonnête de faire semblant de fermer les yeux sur l'importance du médecin, tout simplement. Et quand on le fait bien et de manière intelligente et didactique, croyez-moi, les infirmiers libéraux et les infirmiers en pratique avancée sont d'accord avec nous.
M.P. Quelles sont vos revendications, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi ?
A.C. Il faut former plus de médecins via les facultés, augmenter l'attractivité pour la médecine générale avec une augmentation du tarif de consultation, et la suppression des charges administratives, ainsi que l'arrêt de cette forfaitisation de l'exercice médical en ville. Il faut fidéliser le personnel en place, arrêter de mettre à mal l'organisation du soin existante, qui est même défaillante. C’est-à-dire arrêter de déstabiliser le monde de la ville avec la loi Rist et la promotion des IPA sans faire la promotion des médecins, par exemple. Et arrêtez de déstabiliser les hôpitaux qui, face au manque de médecins, ont recours à l'intérim à qui on veut leur baisser le tarif des intérimaires.
"On ne peut pas faire face à un manque de médecins, en donnant plus de responsabilités à IPA ça n'a aucun sens, ce n'est pas le même métier"
Je suis un peu vieille France, mais la santé, ça se fait avec des médecins. Est-ce qu'on forme assez de médecins ? La réponse est non. Est-ce qu'on fait tout pour augmenter le nombre de médecins ? La réponse est non. Tant qu'on ne répondra pas à cette question-là, ça voudra dire qu’on n’a pas envie de faire des efforts. Et en attendant, les gens meurent sur des brancards dans des salles d’urgence et il y a des retards de prise en charge pour les cancers.
M.P. Que pensez-vous de la formation des IPA et de l'évolution des IADEs?
A.C. Les IADE actuels ne peuvent pas devenir des IPA stricto sensu, c'est pas possible. C'est impossible parce qu'ils exercent sous des décrets de sécurité vu avec les médecins anesthésistes réanimateurs. Par contre, leur autonomie et leurs compétences nécessitent une filière créée, dédiée à la pratique avancée. Ils réclament un statut d’auxiliaires en pratique avancée. Et moi, j'y suis très favorable, dans la mesure où ça respectera les décrets d'application de l'exercice de la médecine, en accord avec les syndicats de médecins.
C’est merveilleux !!! De la Médecine au rabais !!
6 mois sans voir son médecin donc ?
Nous avons une idée :
À chaque nouveau diagnostic d’une maladie, une ordonnance UNIQUE pour toute la vie ! Encore plus simple…
Vous faites une loi @stephanie_rist ? https://t.co/aym4d2MkKe— Collectif Santé en Danger (@sedatif) January 21, 2023
En ce qui concerne les IPA, il y a deux ans de formation supplémentaire, c'est très bien. Mais bon, c’est pas un cursus de docteur. Il ne faut pas oublier que tout ça doit être piloté par un médecin thésé. Ce médecin-là peut décider toute collaboration qu'il veut avec des IPA qui pourraient avancer et simplifier le travail, fluidifier les choses. Mais pas de primo-consultation, ni de primo-prescription. Il va falloir créer un référentiel que les médecins généralistes valident ainsi que les IPA, pour dire dans telle ou telle situation, l’IPA peut voir en premier le patient. Et aujourd'hui les infirmiers libéraux le font déjà. En ville, la profession d'IPA peut être assez intéressante. On est au-delà d'un infirmier classique dans l'approche du patient mais ça ne peut se faire qu'avec des médecins. Dans un exercice parfaitement coordonné, piloté par le médecin, oui, les IPA ont toute leur place. Mais sans médecin, on se fout du monde. Or, aujourd'hui, on essaye de vous vendre un système IPA sans médecin, donc ça ne peut pas marcher.