L'affaire Benjamin Amar n'en finit pas de faire des remous. Dernier rebondissement : le secrétaire général de la Fédération des services publics Baptiste Talbot a décidé de claquer la porte de la CEC de la CGT.
Le tout puissant patron de la fédération CGT des services publics Baptiste Talbot a décidé ce 9 mars de claquer la porte de la commission exécutive confédérale (CEC), l'équivalent du gouvernement à la CGT. Cause de ce désaveu : le traitement réservé à Benjamin Amar, autre membre de la CEC, démis de ses fonctions le mois dernier, après avoir été accusé, par une autre membre de la CGT, de "viols et d'actes de torture".
Problème : jusqu'à présent, Benjamin Amar n'a reçu aucune plainte et n'a toujours pas été convoqué par la police. Second problème : malgré l'absence de matérialité des faits, la CGT, sous l'égide du secrétaire général Philippe Martinez, a décidé de communiquer sur cette affaire de mœurs, et de rendre publique l'éviction de Benjamin Amar. Une procédure exceptionnelle, qui a poussé Baptiste Talbot à poser sa démission. "Ce choix de médiatiser a priori et de le faire par une communication à caractère inédit en choisissant des termes extrêmement forts est perçu par un certain nombre de camarades, dont je suis, comme une remise en cause de la présomption d’innocence, une mise en cause potentiellement indélébile de la réputation de notre camarade et une possible instrumentalisation de cette affaire", a notamment écrit Baptiste Talbot, dans un courrier adressé à la commission exécutive confédérale.
Plus grave : Baptiste Talbot accuse un courant trans-syndical, qui va de la CGT à FO en passant par Solidaires, d'avoir instrumentalisé l'affaire Amar à des fins politiques : "La circulation d’informations internes à la CEC, leur instrumentalisation, confirment que cette affaire fait l'objet d'une exploitation politique qui trouve sa source à l'intérieur de l'organisation. Le courant qui a inspiré le texte sur le Metoo syndical est à l'oeuvre depuis plusieurs années et bénéficie de soutiens actifs ou tacites au sein de notre organisation." Baptiste Talbot dénonce, sans prononcer le terme, un complot mené par un groupuscule féministe, auteur d'une tribune, "Pour un metoo syndical", publié par le journal en ligne Médiapart. Pourquoi un complot ? Parce que cette tribune a été publiée concomitamment à un article de médiapart sur l'affaire Amar : Talbot y voit là la une opération de déstabilisation rondement menée.
Loin de tout complot, pourtant, cette tribune relate des faits extrêmement choquants, qui ont trait à des violences sexuelles subies par des syndicalistes et restées impunis : "A la Mairie de Paris, des militantes syndicalistes ont lutté trois ans pour la reconnaissance de violences physiques et sexuelles commises par un secrétaire général sur deux camarades. Elles ont été victimes d'une répression syndicale qui les a conduites à quitter la CGT en 2020). Le seul membre de la CEC qui vient de voter contre la suspension des mandats s’était déjà distingué pour avoir soutenu ce secrétaire général à la CGT Ville de Paris. Et puisque la honte ne tue pas, il a signé le communiqué intersyndical appelant à la grève CGT Solidaires FSU pour le 8 mars ! C'est insupportable. En 2018, c'est à la CFTC, qu'une crise éclate suite à du harcèlement sexuel. A l'Union départementale de FO Brest, plusieurs militantes et salariées du syndicat ont révélé être victimes depuis des années de violences sexuelles commises par le secrétaire général. Elles ont été victimes de représailles en interne puis licenciées, en 2021."
A chaque fois, rappelle les auteurs de cette tribune, "il est reproché aux victimes de ne pas être suffisamment « lutte de classe », de fomenter un complot politique et d’affaiblir leurs syndicats. C'est tout le contraire qu’elles font : s'exprimer contre les agresseurs et leur soutien n'est pas salir les organisations syndicales, c'est le fait de les couvrir qui les mine et contribue à exclure les femmes du syndicalisme".
Contacté par la Lettre de la santé et du social (LSS), les auteurs de cette tribune n'ont pas souhaité commenter la décision de Baptiste Talbot. Quant à Benjamin Amar, il continue de clamer son innocence :
Je conteste avec la plus grande fermeté les accusations infamantes portées contre moi et relayées par un communiqué de la CGT.
Je n'ai reçu aucune convocation des policiers et j'ai demandé à mes avocats de les contacter pour être entendu.
Je suis innocent et je le prouverai.
— Benjamin Amar (@benjaminamar4) March 1, 2022